Le Magnifique

CLAUDE BOLLING — 1973

Oh, la la c’est « Le Magnifique ! »

« Le Magnifique » est un film culte. Nombreux sont ceux qui, au fil des rediffusions, ont appris les répliques par coeur de ce personnage dont le rôle est taillé sur mesure pour Jean-Paul Belmondo. Bebel qui retrouvait, en cet an de grâce 1973, le réalisateur Philippe de Broca avec lequel il avait déjà travaillé en 1962 lors du film « Cartouche », puis « L’Homme de Rio » en 1964. Il le rejoindra à nouveau en 1975 avec « L’Incorrigible ». Un binôme qui faisait du cinéma méta sans le savoir, des décennies avant OSS 117, version Jean Dujardin. Bob Saint-Clar en grand frère d’Hubert Bonisseur de la Bath. Mention spéciale pour Jacqueline Bisset, actrice culte, elle aussi, du « Knack » de Richard Lester à « la Nuit américaine » de François Truffaut.

La bande son du film signée Claude Bolling réussit à merveille à naviguer entre le premier et le second degré, sans jamais sombrer dans les gros sabots de la « musique fantaisiste ». Pour mémoire, Claude Bolling n’est autre que le compositeur en chef du groupe féminin des Parisiennes et d’une centaine de musiques de films dont celle de « Borsalino » (avec Delon & Belmondo), qui est certainement la plus connue. C’est avant tout un génie du jazz à la française qui parvient par son talent à donner l’impression de décontraction et de familiarité, même lorsque l’on écoute sa musique pour la première fois. Dès la première plage du disque, « Tatiana », des images du Mexique en carte postale nous viennent à la tête. « Tatiana » évoque le personnage joué par Jacqueline Bisset avec une légèreté et une sensualité non dénuée d’humour. Bolling se joue des codes des musiques de films sans jamais se départir d’une certaine jubilation communicative. Bolling réussit à recréer l’univers d’évasion imaginé par François Merlin, obscur auteur de romans de gares qui s’échappe du réel par l’entremise de Bob Saint-Clar son héros de papier. Avec la B.O du « Magnifique », Bolling égale les maîtres anglo-saxons du genre easy-jazz pop tels qu’Henri Mancini. Évidemment les amateurs de jerks à danser dans les soirées de l’ambassadeurs seront ravis par la composition, « Pop Mod ». Un titre qui fait qu’aujourd’hui encore, les anglo-saxons inventeurs du terme loungecore se damneraient pour posséder un vinyle original de Bolling. Bien plus subtile qu’elle n’y paraît, la bande son de Claude Bolling se comprend comme la piste sonore des aventures hautement irréalistes et fantasmatiques de Bob Saint-Clar.

Bien avant que l’on s’attaque au mythe James Bondien accusé de phallocratisme ethno-centré dans notre quotidien wokisé, il existait une méthode moins lourde et tout aussi ecace de se moquer des grands mythes héroïques populaires modernes. Ce film et sa bande son en font partie avec une fantaisie bienveillante qui ne tombe jamais dans le mépris pour le matériel de base qui nourrit son inspiration. Et puis un film avec Marie-Pierre Casey, éternelle abonnée aux rôles de concierges et de femmes de ménage, ne peut pas être mauvais. Plus sérieusement, à une époque où tout et n'importe quoi est sujet à polémiques prétexte à polarisations des opinions, voilà une B.O qui nous offre un peu de respiration. Merci à Claude Bolling et sa french touch originale avant que n’advienne celles des Dimitri From Paris et autres Bon Sinclar (justement) qui, s’ils n’avaient pas pu profiter de tout ce patrimoine musical et cinématographie issu des trente glorieuses, n’auraient pas eu de matières à sampler. J’aimerais que la vie soit aussi suave et pétillante que les musiques de Claude Bolling !

Le Magnifique – Claude Bolling (1973)
French Cinema Soundtrack – PCR060 — OUT SEPT 15th, 2023
Vinyl Limited Edition


Side A
1. La plaza (Fête mexicaine)
2. Tatiana (Glamourous)
3. Mexican paradise (Alla Cugat)
4. Concerto pour piano, tueurs et orchestre
5. Cleotiana (En son jardin)
6. Karpoff (L’ignoble)

Side B
7. Noches mexicanas
8. Paris musette
9. Idylle interrompue
10. Christine
11. Pop mod
12. Dénouement et final

FR
Oh, la la c’est « Le Magnifique ! »
« Le Magnifique » est un film culte. Nombreux sont ceux qui, au fil des rediffusions, ont appris les répliques par coeur de ce personnage dont le rôle est taillé sur mesure pour Jean-Paul Belmondo. Bebel qui retrouvait, en cet an de grâce 1973, le réalisateur Philippe de Broca avec lequel il avait déjà travaillé en 1962 lors du film « Cartouche », puis « L’Homme de Rio » en 1964. Il le rejoindra à nouveau en 1975 avec « L’Incorrigible ». Un binôme qui faisait du cinéma méta sans le savoir, des décennies avant OSS 117, version Jean Dujardin. Bob Saint-Clar en grand frère d’Hubert Bonisseur de la Bath. Mention spéciale pour Jacqueline Bisset, actrice culte, elle aussi, du « Knack » de Richard Lester à « la Nuit américaine » de François Truffaut.

La bande son du film signée Claude Bolling réussit à merveille à naviguer entre le premier et le second degré, sans jamais sombrer dans les gros sabots de la « musique fantaisiste ». Pour mémoire, Claude Bolling n’est autre que le compositeur en chef du groupe féminin des Parisiennes et d’une centaine de musiques de films dont celle de « Borsalino » (avec Delon & Belmondo), qui est certainement la plus connue. C’est avant tout un génie du jazz à la française qui parvient par son talent à donner l’impression de décontraction et de familiarité, même lorsque l’on écoute sa musique pour la première fois. Dès la première plage du disque, « Tatiana », des images du Mexique en carte postale nous viennent à la tête. « Tatiana » évoque le personnage joué par Jacqueline Bisset avec une légèreté et une sensualité non dénuée d’humour. Bolling se joue des codes des musiques de films sans jamais se départir d’une certaine jubilation communicative. Bolling réussit à recréer l’univers d’évasion imaginé par François Merlin, obscur auteur de romans de gares qui s’échappe du réel par l’entremise de Bob Saint-Clar son héros de papier. Avec la B.O du « Magnifique », Bolling égale les maîtres anglo-saxons du genre easy-jazz pop tels qu’Henri Mancini. Évidemment les amateurs de jerks à danser dans les soirées de l’ambassadeurs seront ravis par la composition, « Pop Mod ». Un titre qui fait qu’aujourd’hui encore, les anglo-saxons inventeurs du terme loungecore se damneraient pour posséder un vinyle original de Bolling. Bien plus subtile qu’elle n’y paraît, la bande son de Claude Bolling se comprend comme la piste sonore des aventures hautement irréalistes et fantasmatiques de Bob Saint-Clar.

Bien avant que l’on s’attaque au mythe James Bondien accusé de phallocratisme ethno-centré dans notre quotidien wokisé, il existait une méthode moins lourde et tout aussi ecace de se moquer des grands mythes héroïques populaires modernes. Ce film et sa bande son en font partie avec une fantaisie bienveillante qui ne tombe jamais dans le mépris pour le matériel de base qui nourrit son inspiration. Et puis un film avec Marie-Pierre Casey, éternelle abonnée aux rôles de concierges et de femmes de ménage, ne peut pas être mauvais. Plus sérieusement, à une époque où tout et n’importe quoi est sujet à polémiques prétexte à polarisations des opinions, voilà une B.O qui nous offre un peu de respiration. Merci à Claude Bolling et sa french touch originale avant que n’advienne celles des Dimitri From Paris et autres Bon Sinclar (justement) qui, s’ils n’avaient pas pu profiter de tout ce patrimoine musical et cinématographie issu des trente glorieuses, n’auraient pas eu de matières à sampler. J’aimerais que la vie soit aussi suave et pétillante que les musiques de Claude Bolling !

EN
Oh, boy, that’s « The Magnificent One »!
“The Magnificent One” is a cult film. Many people have learnt the lines by heart of this character, whose role is tailor-made for Jean-Paul Belmondo. In 1973, Bebel was back with director Philippe de Broca, with whom he had already worked in 1962 in the film Cartouche, and then in 1964 in The Man from Rio. He joined him again in 1975 with “L’Incorrigible”. A pair who made meta cinema without knowing it, decades before OSS 117, Jean Dujardin’s version. Bob Saint-Clar as Hubert Bonisseur de la Bath’s big brother. Special mention for Jacqueline Bisset, a cult actress, from Richard Lester’s “Knack” to François Truffaut’s “La Nuit américaine”.

The film’s soundtrack by Claude Bolling succeeds marvellously in navigating between the first and second degree, without ever sinking into the heavy-handedness of “fantasy music”. For the record, Claude Bolling is none other than the chief composer of the women’s group Les Parisiennes and of a hundred or so film scores, including that of Borsalino (with Delon & Belmondo), which is certainly the best known. He is above all a genius of French jazz who manages to give the impression of casualness and familiarity with his talent, even when you hear his music for the first time. From the very first track on the album, “Tatiana”, postcard images of Mexico come to mind, “Tatiana” evokes the character played by Jacqueline Bisset with a lightness and sensuality not devoid of humour. Bolling plays with the codes of film music without ever losing a certain communicative jubilation. Bolling succeeds in recreating the world of escape imagined by François Merlin, an obscure author of railway station novels who escapes from reality through Bob Saint-Clar, his paper hero. With the soundtrack of “Le Magnifique”, Bolling equals the Anglo-Saxon masters of the easy-jazz pop genre such as Henri Mancini. Of course, fans of jerks to dance to at the ambassador’s parties will be delighted by the composition, “Pop Mod”. A title that even today makes the Anglo-Saxons, inventors of the term loungecore, desperate to own an original Bolling vinyl. Much more subtle than it seems, Claude Bolling’s soundtrack is understood as the soundtrack to the highly unrealistic and fantastical adventures of Bob Saint-Clar.

Long before the James Bondien myth was attacked as an ethno-centric phallocracy in our wokified daily lives, there was a less cumbersome and equally effective method of making fun of the great modern popular heroic myths. This film and its soundtrack are part of it with a benevolent fantasy that never falls into contempt for the source material that feeds its inspiration. And then a film with Marie-Pierre Casey, eternally accustomed to the roles of caretakers and cleaning ladies, can’t be bad. More seriously, at a time when everything and anything is subject to polemics, a pretext for polarising opinions, here is a soundtrack that offers us a little breathing space. Thanks to Claude Bolling and his original French touch before the Dimitri From Paris and other Bon Sinclar (precisely) who, if they hadn’t been able to take advantage of all this musical and cinematographic heritage from the glorious 30s, wouldn’t have had any material to sample. I wish life was as sweet and sparkling as Claude Bolling’s music!

Texte : Jean-Emmanuel Deluxe
Artwork : Albert S. Rivera
Réalisation : Alexis Kacimi

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